Traduire le Traumatisme

Hala Ghannam Trefi

De nos jours, vivre des situations extrêmes et des tragédies collectives est devenu une partie du quotidien de certains individus venant de différents coins géographiques du monde. Ces situations sont faites d’événements cruels, réels, actuels et présents, et possèdent un aspect traumatique perturbant qui désorganise les fondements identitaires des individus.

Dans cette intervention, je m’intéresse surtout au rapport qui existe entre un sujet affecté par un événement majeur dans sa vie, un vécu principalement traumatisant et à son interprétation. Un sujet tremblant devant le fait d’être l’objet de son discours.

La forme narrative d’un récit propose habituellement un ordre organisé en une suite d’actions qui construisent une expérience vécue par l’être humain dans un monde où des lignes de cohérence et des points de repère sont tracés et marqués.

L’expérience du récit d’asile élaborée en vue de l’obtention d’un statut de réfugié fait partie des expériences qui ne peuvent pas être appréhendées de la même manière qu’un récit autobiographique classique représenté par une mise en forme narrative qui « donne sens » aux différentes parties d’une vie inscrite dans un cadre spatio-temporel prédéfini. C’est une expérience à caractère spécifique, elle est principalement marquée par des traumatismes, elle constitue une nécessité pour celui qui l’a vécue, il doit la dire, la raconter afin de convaincre les institutions de l’asile et obtenir une réponse positive représentée par le statut de réfugié.

Dans ce cadre, j’ai choisi d’analyser un extrait qui a eu lieu dans un milieu associatif pratiquant un accompagnement intensif des réfugiés et demandeurs d’asile, j’y ai été amenée à partager et à vivre des espaces de paroles, différentes les unes des autres à des moments de remaniements psychiques importants, et à me poser de façon récurrente la question de la traduction et de l’interprétation du récit d’asile[1], la question de la façon dont il est co-construit entre les différents partenaires engagés, la question de la production, de la faisabilité et de la traduction de la violence qui s’y trouve, car chaque texte ou chaque discours oral invite à réfléchir une fois la tâche accomplie, sur ce qui a été produit, et sur la façon dont on l’a produit.

De façon générale, les demandeurs d’asile que j’ai rencontrés, avaient quitté leurs pays d’origine ou un pays voisin de façon contrainte. A leurs arrivées dans le pays d’asile ils ne possédaient pas vraiment un projet de vie construit et leurs préoccupations étaient de vivre dignement. Dans leur quotidien, la plupart parmi eux sont fortement confrontés à la différence, à la difficulté du premier contact avec des personnes dont on ne connait pas la culture ni les codes sociaux.

Au tout début de la demande d’asile, un récit de vie qui contient l’expérience traumatisante en particulier[2] doit être présenté à l’écrit et envoyé à l’OFPRA[3] qui décidera par la suite d’un entretien oral avec un officier de protection (OP). Le travail est fait par un travailleur social, qui introduit, prépare et expose la situation en amont, assisté par le traducteur-interprète. L’objectif de cette rencontre est de faire le récit de vie, mais aussi d’éliminer tout ce qui peut paraître contradictoire et suspect du dossier, et d’assurer une cohérence entre les éléments internes et externes au récit.

La demande se déroule au sein d’une procédure administrative qui impose l’usage du français, la grande majorité des demandeurs d’asile doivent évoquer leur mode de vie antérieur, détailler chaque scène de leurs parcours en citant les persécutions et menaces subies, décrire l’ensemble des lieux traversés et les acteurs rencontrés. Cependant, les demandeurs ne maîtrisent pas la langue française et ne disposent pas encore d’un bagage culturel qui leur permet d’user des codes du langage partagés par les différents acteurs et cela les empêche d’exprimer directement en langue maternelle leurs paroles, pensées, questions, questionnements, craintes et persécutions subies sans passer par un traducteur-interprète. Ajoutant à cela, le fait qu’une grande partie des demandeurs d’asile syriens[4]  que j’ai pu rencontrer éprouvent des difficultés à formuler leurs récits, à l’oral comme à l’écrit. « Raconter mon histoire » comme ils disent majoritairement est un concept souvent méconnu. Les faits vécus et les violences subies sont si importants qu’il est parfois difficile de les raconter, leurs capacités de verbalisation diffèrent en fonction de leur âge, culture, origine sociale, éducation, profession, et expérience. S’ajoute à cela la méconnaissance du droit d’asile.

Ce sont des situations complexes car le demandeur doit présenter de manière précise les faits, les détails et les preuves de ce qu’il avance (Fassin, 2000). Pour ce fait, les acteurs associatifs interpellent constamment chez les demandeurs d’asile la mémoire visuelle et auditive car ils doivent convaincre de l’authenticité de leurs discours tout en fournissant les arguments nécessaires devant un autre individu qui est à la recherche de cohérence et de logique, à la recherche de vérité.

Autrement dit, c’est un savoir-faire, un savoir parler qui est basé sur un vouloir-raconter, un pouvoir-livrer et une maîtrise de soi dans un espace de temps limité.

Quant au traducteur-interprète, il se trouve au centre de ce processus. Il est placé « en première ligne» (Reynier, 2006/1: 64). Son rôle initial consiste dans le fait de transposer de vive voix un message d’une langue dans une autre en employant un vocabulaire précis, associé parfois à un travail important de mémoire. Ne disposant que de quelques instants de réflexion, il doit faire preuve d’une grande vivacité d’esprit, d’une réelle capacité de verbalisation, d’un bon contact humain, d’une grande empathie, et d’un savoir d’adaptation de son langage à ceux dont il transmet les propos. Il doit être activement impliqué(e) dans le système des tours de parole (Roy, 2000). Or, dans l’interprétation du récit d’asile, il est aussi et surtout pris dans une volonté de maintien d’équilibre, de va et vient psychique, entre la gestion de la violence verbale entendue, parfois vue, ses représentations senties en lui d’un côté, l’obligation de neutralité et d’impartialité attendue et demandée de l’autre côté[5].

Que traduit l’interprète quand il traduit le récit d’asile ? Est-ce le verbal, le dit, le non-dit, le senti, le ressenti, le pensé, l’oublié ? Que fait-il du para-dit ? A-t-il son mot à dire là-dessus ? Comment transmettre le sens à ces moments forts et importants sans modifier la parole en une représentation verbale franco-française ? Comment mener le travail de distanciation, se décentrer de soi et se détacher de toutes les normes ? Comment envisager et considérer les autres modes, valeurs culturelles, et codes langagiers ?

L’extrait analysé ci-après s’introduit dans un cadre de vie marqué par deux temporalités complétement à l’opposé l’une de l’autre. J’exposerai en premier lieu cet aspect antérieur mais aussi postérieur à la situation où la place accordée au temps varie extrêmement entre le travailleur social et son usager.

Pour les travailleurs sociaux, le temps est un élément d’organisation. Conditionnés par un planning préétabli, leurs journées sont divisées en petites unités temporelles successives dans lesquelles d’autres partenaires externes peuvent y être engagés. Et inversement, les usagers demandeurs d’asile ou réfugiés vivent dans une temporalité très lente, avant l’obtention du statut et même après, des périodes d’attentes qui peuvent s’avérer très longues s’installent dans le quotidien. Contraints à l’inactivité, la vie de ces hommes et femmes demandeurs d’asile est marquée par l’attente. Les événements ou les faits qui occasionnent de réelles rencontres où des actes de communication qui peuvent s’engager, sont peu nombreux.  Le temps coule très lentement, une phrase revient toujours dans leurs discours : « je n’ai rien à faire, le temps ne passe pas ». Il est certain que leur rythme est monotone et uniforme, que la télévision, le téléphone portable et les réseaux sociaux sont des éléments centraux dans leur vie de tous les jours, que l’ennui les envahit et s’installe profondément.

Cet ensemble d’éléments place ces individus dans une sorte de confinement temporel et un dérèglement spatial. Au centre de tout cela, une attente s’installe dans l’attente, il s’agit de l’attente du jour où ils doivent faire leurs récits, et par la suite du jour où ils vont recevoir la réponse de L’OFPRA, et l’attente d’une vraie possibilité d’installation.

C’est dans ce cadre marqué par une activité rythmée d’un côté, et une énorme lenteur de l’autre, qu’un sujet s’apprête à relater son récit. A la différence du domaine judiciaire ou institutionnel où tout est présenté de façon épurée, les rencontres durant lesquelles l’aide au récit est pratiqué par un travailleur social, assisté par un interprète peuvent être ponctuées de moments d’angoisse, de pleurs, de cris, d’agressivité, et parfois de violence. Ce sont des conditions assez particulières qui donnent parfois lieu à la production du récit, et jouent le rôle de déclencheurs de parole.

Il s’agira de voir comment le récit de cette expérience apparaît comme à la fois nécessaire et impossible.

Ne pas pouvoir se livrer[6]

Un jour, j’ai été prise dans une scène où la personne n’arrivait pas à se raconter son histoire à elle-même. Le récit représentait, à ses yeux, un souvenir douloureux et un malheur personnel, le raconter était une épreuve compliquée car elle avait une réelle difficulté à relater les violences subies, à se souvenir, à se confier, à verbaliser et à se livrer. Certaines personnes sont très réticentes, elles classent leurs expériences sous une catégorie dans laquelle il n’est pas possible de raconter, car le raconté est non accepté socialement. Seules, privées de leurs mots, de leurs langues, elles essaient de préserver leur dignité.

Avant le démarrage, un échange a eu lieu entre elle et moi, la personne était si stressée que nous n’avions pas pu démarrer à l’heure. Elle n’arrivait pas à parler, et sa voix était si tremblante que j’avais du mal à comprendre ses phrases.

Les phrases qui suivent représentent les pensées d’une personne qui s’apprêtait à nous livrer pour la première fois de sa vie une partie de son vécu, une partie qu’elle déteste me disait-elle, son récit de torture et de viol. Je ne raconterai pas la violence, ni la torture ni le viol, je voudrai juste transmettre ce qui peut se passer dans la tête d’un torturé avant de livrer son récit.

« Comment je vais pouvoir raconter mes histoires aux autres si déjà j’ai du mal à me les dire ou à me les raconter ? Je n’ose même pas me les répéter à haute voix. Quand je me mets à raconter, j’ai l’impression qu’elles traversent ma tête, mon corps réagit et ma main s’approche toute seule de ma tête pour les arrêter. (…)

Comment raconter ce qui nous fait mal, à une personne que nous ne connaissons pas, une personne que nous venons de rencontrer ? »

Elle se tourne vers moi :

« Vous savez que cela nécessite une préparation, mais la préparation est douloureuse, je dois replonger dans cette ambiance indescriptible et étouffante, je dois revenir à la jungle, au noir, et me relater tout en détail, revoir de l’intérieur et de l’extérieur, tourner autour, penser à toutes les parties atroces, ne rien oublier, tous les détails sont si importants, surtout ceux qui font très mal, que j’ai envie de cacher, oublier, chasser, comment je vais faire pour m’exhiber autant ? Mon Dieu, mon cœur accélère et j’ai du mal à respirer.

« En plus cette personne à qui je vais me livrer ne comprend pas ma langue, vous serez deux, je vais tout dire à deux personnes ! C’est trop, trop pour moi, je ne pourrai pas le faire. »

Je réponds :

« Tenez ce verre d’eau madame. Je comprends que ce soit très dur pour vous. J’imagine bien ».

Elle poursuit :

« Vous ne comprenez pas, non vous ne comprenez pas, et vous n’imaginez rien. C’est comme si je marchais toute nue dans le froid, que je vomissais tout ce que j’ai dans les tripes, et tout le monde s’arrête pour me regarder. »

Elle me regarde dans les yeux en me disant :

« Je sais que je dois le faire, c’est mon choix, mais ce sont deux choses différentes. Je suis consciente que je suis obligée si je souhaite continuer ma demande, mais c’est insupportable. Certains choix sont indispensables certes, mais leur importance n’enlève rien à la souffrance, c’est un malheur de les vivre en continuité. »

Le récit de cette expérience me semblait à la fois nécessaire et impossible. Il est clair que la ligne qui dessine l’essentiel de l’événement se déplace pour se fixer sur les effets de l’événement sur le sujet.

Je ne sais plus quoi dire, j’ai la gorge nouée ; pour moi les mots dans ce genre de situation n’ont plus de valeur. J’essaye dans ma tête : « ça va aller, nous sommes avec vous, nous allons vous aider », mais je ne dis rien, de toute façon je n’arrive pas à parler, je la prends par le bras et je lui propose de faire quelques pas dehors avant de commencer. Il ne nous restait pas beaucoup de temps.

Je suis certaine d’une chose : j’ai très mal, mal partout.

L’interprète professionnelle qu’il y a en moi tremble de l’intérieur. Je redoute la violence des propos à venir et je questionne fortement mon pouvoir-parler. L’empathie que j’ai ressentie pour cette personne m’a directement placé face aux difficultés de travailler dans les récits de violence à un moment où les mots sont la traduction de la barbarie et de la torture.

Ce genre de situation nécessite beaucoup d’énergie de la part de tous les interlocuteurs : l’interprète tient comme il peut dans un contexte qui engendre une forte charge émotionnelle. Une question revenait tout le temps dans ma tête : est-ce alors le « mourir de dire ?» selon le titre de l’ouvrage de Boris Cyrulnik. Dans ce face à face, la femme qu’il y a en moi avait envie de la consoler, de la prendre dans les bras, de lui crier que je n’attends pas d’elle qu’elle performe sur son statut de victime ou qu’elle excelle dans ces compétences de demandeuse d’asile, et que je pense et je penserai fortement à elle. C’est une tâche compliquée pour l’interprète, il est ému, il éprouve de l’empathie. Comment réagir ? Rester dans « ces bottes » de traducteur-interprète ? Aller au-delà de sa mission ? Emprunter le statut de médiateur ? S’ouvrir émotionnellement à son interlocuteur ? Que faire devant ce débordement de trauma au sein de la pensée d’un individu qui tente de vivre son expérience quotidienne ?

Je réalisais que cette injonction à tout dire peut entraver la parole, voire la bloquer, tant l’enjeu de ce dire est énorme. Le but est sans doute d’obtenir l’asile mais cet acte n’est pas sans conséquences psychiques, car au-delà de la propriété violente ou catastrophique de l’événement traumatique, la demandeuse n’arrive probablement pas à verbaliser cet événement. Comme le dit Kaplan : « L’événement possède l’individu sans que l’individu puisse parvenir à sa compréhension cognitive » (Kaplan, 1999: 34. MT)

Et je me questionnais également sur le récit à venir, sa faisabilité de son côté et de mon côté, car encore une fois, je réalisais que faire son récit de vie consiste à affronter le vécu traumatisant à travers la parole, la verbalisation, la répétition, et les précisions. Raconter est clairement une nécessité mais de nombreuses difficultés narratives et psychiques existent car la mise en récit signifie également établir un ordre et donner une cohérence aux événements, accorder une organisation et une concordance au chaos vécu ; un travail réellement compliqué pour un sujet ayant vécu de vrais traumatismes, et pour ma part, je me demandais comment faire pour emprunter le « je » de cette demandeuse ? C’est une tâche troublante. Parler à la première personne, à la place d’un autre, est singulier. Traduire ces mots, les dire, reproduire ces gestes, adopter l’intonation de sa voix, s’identifier en quelque sorte à lui à travers le langage.

Pour continuer à faire ce genre d’interprétation, il est toujours primordial pour l’interprète traducteur de continuer à questionner et travailler ses attitudes, et ses réactions propres afin de ne pas se figer mais plutôt de s’ouvrir et d’ouvrir des traversées, de permettre des échanges, d’accompagner, de faire circuler le sens entre deux langues, d’accepter de faire le déplacement.

Lors de cette performance, l’idée était de favoriser une zone de communication linguistique et langagière, un canal de communication ouvert entre le travailleur social et le demandeur d’asile. Pour jouer ce rôle de point focal, la caractéristique essentielle à laquelle j’ai eu recours était l’empathie. Sur le plan conceptuel, elle permet la compréhension du point de vue de l’Autre, la familiarisation avec différents systèmes de référence. Cependant, elle m’a profondément permis d’être capable de développer une compréhension selon le point de vue de l’Autre, de savoir temporairement s’identifier à l’Autre, d’être en mesure de comprendre des corrélats verbaux et non verbaux, et de pouvoir les exprimer dans une autre langue tout en contextualisant la situation ; mais aussi de s’adapter à la situation, de choisir de rester à l’écart quand il le faut pour ne pas empiéter l’espace personnel ; pouvoir laisser de côté sa curiosité, et juger quand il sera le moment convenable pour s’ouvrir à son interlocuteur, en ayant recours à des renforcements positifs à travers des sourires et des expressions faciales plaisantes.

L’empathie se manifeste par l’aptitude à assurer une compréhension partagée : par l’écoute, l’explication, le commentaire, l’interprétation des faits, situations, comportements, sentiments, émotions, etc. Elle est également construite par le biais de mécanismes non-verbaux, et je voudrais citer deux types de messages non-verbaux qui possèdent une importance particulière lors de la performance de l’interprète dans le cadre d’un travail collaboratif avec un travailleur social, il s’agit de l’utilisation de la voix et le contact du regard. Ce sont deux mécanismes utilisés afin de compléter le message vocal ou/et souligner une partie, ils sont pratiqués en vue d’assumer un certain nombre de micro-fonctions comme l’encouragement, l’excuse ou l’expression d’une désapprobation. L’ensemble favorise la conservation de la capacité à passer d’une langue à l’autre sans basculer totalement d’un côté ou de l’autre, surtout que l’interprète traducteur est conscient du risque important de perte du sens de dialogue qui existe dans le cadre d’une traduction d’un discours parlé.

L’interprète développe cette attitude empathique envers tous les interlocuteurs, il ne choisit pas. Son non-choix est l’expression d’un principe qu’on pourra appeler la neutralité. Cet exercice n’est possible que s’il a appris à pratiquer la décentration, que l’on peut définir en citant Carmel Camilleri[7] comme « la prise de conscience et la déconstruction des attitudes et autres éléments de la personnalité qui empêchent de prendre en compte l’autre dans sa différence. »

Dans mon expérience de traductrice-interprète, j’ai souvent été parachutée dans l’intimité des autres et parfois sans aucune préparation. C’est un parcours vertigineux. Personnellement, dans certaines situations j’avais du mal à continuer à me concentrer parce que l’entretien avait pris énormément de temps. Je n’arrivais plus à être en maîtrise de l’ensemble des éléments comme je l’aurais souhaité. J’ai parfois eu beaucoup de mal à couper la parole de la personne qui se livre, surtout si elle avait du mal à se lancer. Pour me protéger psychologiquement, je suis constamment à la recherche de distanciation. C’est une question d’apprentissage en continu. En allant vers les autres, nous dialoguons et en dialoguant nous apprenons à les connaître, en les connaissant, nous apprenons à nous connaître et nous découvrons que nous ne nous sommes plus les mêmes. Comme l’illustre la citation d’Henri Michaux qui traduit poétiquement ma pensée : « Tu laisses quelqu’un nager en toi, aménager en toi, faire du plâtre en toi et tu veux encore être toi-même[8]  ! » C’est une question de développement personnel qui nous permet d’objectiver nos subjectivités.

Bibliographie

Camilleri Carmel, Cohen-Emerique Margalit, Choc des cultures : concepts et enjeux pratiques de l’interculturel, L’Harmattan, 1989.

Charte de l’interprétariat médical et social professionnel en France, Strasbourg, 2012.

Cyrulnik Boris, Mourir de dire la honte, Paris, Odile Jacob, 2010.

Fassin Didier, « La Supplique », Annales. Histoire, Sciences sociales, 2000, Vol.55, n°5, pp. 955 – 981.

Ghannam-Trefi Hala, « Faire le récit d’asile : violence et médiation », Sous la direction de M.-C. Saglio-Yatzimirsky in Violence et récit. Dire, traduire, transmettre le génocide et l’exil, , Editions Hermann, 2020, pp.181-195.

Michaux Henri, Poteaux d’Angle, Paris, Gallimard, 1981.

Kaplan, E. A. : « Performing Traumatic Dialogue: On the Border of Fiction and Autobiography », Women & Performance: A Journal of Feminist Theory, 1999, nos19-20 (Avril), pp.33-55.

Reynier Françoise, « De quelle langue es-tu ? » Le travail psychologique avec un interprète », Le Journal des psychologues, 2006/1, n° 234, pp. 63-65.

Roy B. Cynthia, Interpreting as a Discourse Process, New York, Oxford: Oxford University Press, 2000.

[1] Voir à ce sujet : Hala Ghannam-Trefi, « Faire le récit d’asile : violence et médiation », Violence et récit, Hermann, 2020, pp.181-195.

[2] Un récit ou l’histoire « al qissah » comme l’appelle les syriens.

[3] L’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides. Créé en 1952, l’OFPRA est l’établissement français « chargé de l’application des textes français et des conventions européennes et internationales relatifs à la reconnaissance de la qualité de réfugié, d’apatride et à l’admission à la protection subsidiaire ». L’OFPRA examine donc les dossiers des demandeurs d’asile qui se trouvent déjà sur le sol français. En cas de rejet de la requête, le demandeur d’asile peut solliciter un réexamen par la Commission des Recours des Réfugiés dans les 15 jours qui suivent la décision de l’OFPRA.

[4] J’ai travaillé avec des demandeurs ou des réinstallés syriens qui font un recours auprès de la CNDA quand le statut de protection subsidiaire leur a été accordé : ils espéraient obtenir le statut de réfugié. « Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne dont la situation ne répond pas à la définition du statut de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes : la peine de mort ou une exécution; la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants; pour des civils, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international », article L.712-1 du CESEDA (lien IV).

[5] Dans la charte de Strasbourg, il est stipulé que l’interprète qui travaille en milieu social « exerce avec neutralité et recul, quel que soit son propre parcours ; en aucun cas il ne prend la posture de conseil ou de défenseur de l’une ou de l’autre des parties […] dans sa qualité d’interface linguistique, il n’entre pas dans une quelconque régulation ou conciliation : il garde une posture distancée, et n’est pas habilité à assumer des fonctions de médiateur social » (Charte de Strasbourg, 2012 : 5)

[6] Hala Ghannam-Trefi, « Faire le récit d’asile : violence et médiation », Violence et récit, op.cit., pp.187 – 189.

[7] Carmel Camilleri, Margalit Cohen-Emerique, Choc des cultures : concepts et enjeux pratiques de l’interculturel, L’Harmattan, 1989..

[8] Voir à ce sujet : Hala Ghannam-Trefi, « Faire le récit d’asile : violence et médiation », Violence et récit, Harmann, 2020, pp.181-195.