À PROPOS DE L’INCONNAISSABLE  :
UNE ÉTHIQUE DE LA VÉRITÉ
Qui tue-t-on quand on tue ?

Serge G. Raymond

Psychanalyse et Civilisations, L’Harmattan, 2024

Chronique : Claude Tapia

 

L’ouvrage comporte un bref Préambule qui reproduit l’ouverture d’une audience d’une cour d’assises au cours de laquelle l’auteur, en qualité d’expert, prête serment d’apporter son concours à la justice. Dans son intervention S. Raymond définit sa conception de l’expertise en même temps qu’il souligne la portée de sa mission de psychologue clinicien affecté à l’hôpital pour des activités thérapeutiques. Il précise que cette mission ne se confond pas avec celle du psychiatre bien qu’elle représente ce qu’il appelle « une clinique de l’intériorité » et concerne les représentations de l’autorité et de la vérité. Il précise encore qu’elle ne correspond pas à celle du médecin en cela qu’elle vise à se servir du pouvoir transformateur des mots pour alléger le poids de la douleur corporelle des malades. L’auteur revient à plusieurs reprises sur la définition de cette mission en ouvrant le champ de la réflexion sur le problème de l’origine et de l’essence de la vérité en mettant en rapport (et en contraste) celle-ci avec « la Révélation » et avec l’influence de la Foi sur les décisions de justice et l’élaboration des verdicts. Par ailleurs, l’auteur poursuit « en roue libre », son investigation réflexive sur ses thèmes favoris, comme le meurtre et le suicide, la complémentarité conflictuelle entre le corps physique et le corps psychique, le poids de l’inconscient dans l’expression de la violence incontrôlée et la perpétration de crimes. Non sans s’insurger contre l’influence des idéologies, la débilité des connaissances en sciences humaines au sein de l’appareil judiciaire, les occasionnelles pressions de l’opinion publique… Au fil de l’ouvrage l’auteur approfondit encore ses réflexions sur la fragilité du processus de construction de la vérité, celle-ci exposée au vacillement des convictions, au basculement des paradigmes, aux contournements de l’éthique et des références universelles. Que peut faire le psychologue clinicien face aux dérobades, aux défaillances du système judiciaire ? Quelle peut être son influence réelle face au questionnement du juge et à l’inquiétude de la collectivité concernée par les actes violents ou criminels ? C’est à ces questions que l’auteur s’efforce de répondre en puisant dans son expérience clinique et judiciaire. Le travail de réinterprétation du contenu de certaines audiences à la lumière de son bagage conceptuel, la richesse de ses références littéraires ou philosophiques… font de cet ouvrage une somme de savoirs et de repères psychologiques et historiques où les futurs magistrats, avocats ou psychologues cliniciens pourraient s’alimenter.