Le livre de Jean Nadal

MARIE-LAURE DIMON *

 

Dans un style vif et clair, le lecteur entre aisément dans l’ouvrage qui est d’une grande richesse tant sur les connaissances de l’auteur sur l’art que sur le tissage qu’il fait entre la psychanalyse et la peinture. A la voie de la mélancolie à laquelle les ouvrages sur la peinture nous convient souvent, l’auteur a choisi celle du sexuel, du lien entre l’éminemment singulier et l’anthropologie picturale. Fidèle à la théorie freudienne où Freud lui-même avait une proximité avec celle de Platon, le pansexualisme, l’auteur l’éclaire avec la peinture de Léonard de Vinci et ses madones, sublimées, rêvées et libérées des angoisses primitives. Ces madones sont alors le prétexte d’une mise en scène, retrouvailles fantasmatiques avec l’imago maternelle, imago aussi du corps maternel.

L’auteur conceptualise la pulsion de peindre à l’émergence de la pulsionnalité. Il rend compte des différents mouvements de la pulsion de peindre en termes de force, de tension et d’énergie et ceci à travers la couleur, la pigmentation et la matière qui tend même à déborder la toile. Ces différents éléments donnent à l’ouvrage une énergie et un caractère profondément vivant et humain. A la bipolarité pulsionnelle, Eros et thanatos, qu’exprime le désir, l’auteur convoque plusieurs peintres, entre autres, Picasso, Rothko, Beksiński et Malevitch. Ce dernier, par son « suprématisme » sur la couleur pour elle-même, permet de saisir le rien, le néant, l’infini. Le blanc est l’équivalent du cri se suffisant à lui-même, fantasme d’auto-engendrement mais aussi fantasme des origines par la présence de l’enfant né du cosmos. Malevitch attribue au blanc le statut de la matrice originaire et Soulages voit dans la couleur du noir, la couleur du pouvoir absorbant la lumière de toutes les lumières. Nous retiendrons alors la phrase paradigmatique de Klee : « La couleur et moi sommes un. Je suis peintre ».

L’originalité de cet ouvrage est de faire éprouver au lecteur le monde de la sensorialité dans lequel le peintre se meut, mieux encore l’auteur démontre que l’écoute analytique et la création artistique sont les deux versants d’une même réalité nous faisant cheminer sur cette voie de crête entre rêves, fantasmes et créativité.


* Psychanalyste, membre honoraire du CIPA, Thérapeute de couple.